J’ai succombé à toutes les visions
séduite, surface, série et sérieuse
en toute mobilité et paysages
concentrée sur chaque épisode
territoire et joue. masquée/démasquée :
out of space ou pleine d’intonations
dans le climat, délirante autour
de toutes les figures, aérienne
dans l’emploi du verre et du verbe
j’ai succombé à la fureur, les villes
et les eaux-fortes / viens / la
conversation par bribes, à découvert
toute la paume l’empreinte des lenteurs
et la réalité transforme son lynx
des yeux de l’identité qui motive
tous les recours que la langue tresse
l’existence à coup de parcours
et de souffle dans les limites du possible
du tolérable aveuglément : le sentiment
j’ai succombé à la vision claire
des végétations et des événements
matinales, dans les privilèges de la lumière
car le corps authentique échine de feu
a montré sa langue telle qu’elle
alors était tangible et tango
très vif pour les yeux / du dedans
j’ai succombé à la tentation ainsi
on entre dans le circuit des gestes
qui assurent la survie, la conquête
le sourire et la fusion des fictions
la nuit venue lorsque de mèche
nos fronts se souviennent des plus belles
délinquances, on bouge un peu la main
pour que s’ouvre sous nos yeux
la mémoire agile des filles de l’utopie
se déplaçant en italique
ou en une fresque vers toutes les issues
[…]
Nicole Brossard, « Tentation » (extrait), Amantes, 1980, dans D’aube et de civilisation, Montréal, Typo, 200